L’Iran d’aujourd’hui : puissance et identité

Introduction :

L’Iran a connu ces dernières années de nombreux bouleversements modifiant considérablement sa situation aussi bien sur le plan économique, politique que culturel. Ce pays connait un développement important depuis quelques années. En effet, l’Iran est considéré comme étant un pays émergent, c’est à dire qu’il connait une croissance économique rapide, une évolution de son ouverture à l’international et un développement de son marché intérieur.

L’Iran se situe en Asie du Sud-Ouest et a des frontières communes avec de nombreux pays : l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Turkménistan, l’Irak, la Turquie, l’Afghanistan et le Pakistan. Le territoire iranien est donc un point de passage puisqu’il est à l’intersection des mondes arabes, russes et indiens. De plus, l’Iran est bordé par la mer caspienne, le golfe persique et l’océan indien, ce qui en fait un pays géographiquement très intéressant.

Carte du Moyen-Orient

L’Iran a pour capitale Téhéran. Avec plus de 77 millions d’habitants, ce pays a une diversité culturelle très intéressante puisqu’on y retrouve plus de 80 populations différentes : les Perses (61% de la population nationale), les Azéris (16%), les Kurdes (10%) et d’autres minorités telles que les Baloutches, les Turkmènes. L’identité culturelle désigne le sentiment d’appartenance d’une personne ou d’un groupe à une même culture, religion, ethnie… La population iranienne est majoritairement perse et l’identité culturelle perse du pays est très marquée et contraste avec la culture arabe, dominante dans le reste du Moyen Orient.  

 L’Iran est à majorité religieuse chiite (90% de la population) et est un des rares pays qui vient contrebalancer la situation religieuse du Moyen-Orient, qui est lui à majorité sunnite. Les 10% restants sont composés de sunnites et d’autres minorités religieuses mais malgré la présence de ces minorités l’Iran est un des seuls pays où la situation religieuse est plutôt stable et peu de conflits sont à déplorer.

L’Iran est le deuxième producteur de pétrole au monde, ce qui est un avantage déterminant dans son développement. C’est le premier pays du Moyen-Orient à avoir commencé à en exporter et il  dispose également de la deuxième plus grande réserve mondiale en gaz.

Suite aux évènements de ces dernières décennies, notamment la révolution iranienne et la guerre Iran-Irak, le pays a connu un certain nombre de difficultés mais a su se relever et connait aujourd’hui une évolution de sa croissance. Ce pays a su tirer des avantages de ses ressources naturelles. Cependant, étant bordé par de nombreux pays, l’Iran doit faire face à plusieurs menaces. De plus, la situation interne reste encore instable et subsiste encore des séquelles du régime du Shah.

Quel est la place de l’Iran au Moyen-Orient et dans le monde de nos jours ?

On peut définir la puissance d’un pays comme étant « un concept à dimension internationale qui définit l’attractivité d’un pays et sa faculté d’apparaitre aux autres comme un pôle tant au niveau culturel, économique que militaire ». Dans un premier temps, nous nous intéresserons à l’évolution de l’Iran des dernières années au niveau politique et culturel, puis dans une seconde partie, nous développerons les enjeux posés par ce pays aujourd’hui sur la scène internationale.

A.   L’évolution de la situation Iranienne depuis la révolution

1.      L’Iran depuis 1979

La révolution iranienne de 1979 est un évènement bouleversant dans l’histoire de l’Iran. En effet, cette révolution met fin au régime du Shah : Mohammad Reza Pahlavi et remet en cause la situation du pays puisque l’Iran va dès lors devenir une république islamique. Cette révolution a été d’une violence extrême et a considérablement affaibli le pays. A la suite de cette révolution, le futur de l’Iran est encore incertain, et  Khomeini va alors mettre en place un gouvernement provisoire afin de calmer la situation rétablir l’ordre. Mais, l a du mal à se stabiliser puisqu’il est confronté à de nombreux conflits internes avec des contestations qui continuent et des conflits externes notamment avec les Etats-Unis et l’Irak.

Pendant la guerre froide, l’Iran faisait partie du bloc américain, pourtant entre le 4 novembre 1979 et le 20 janvier 1981, des jeunes Iraniens retiennent 52 otages américains à l’ambassade des Etats-Unis de Téhéran. Cet évènement détériore fortement les relations entre les Etats-Unis et l’Iran, et le président américain de l’époque met en place des pressions d’ordre économique et diplomatique telles que l’arrêt des importations de pétrole, l’expulsion d’iraniens du territoire américain, etc. Les Etats-Unis cherchent alors à tout prix à isoler l’Iran.

Au même moment, en 1980, l’Irak profite de la faiblesse Iranienne pour envahir le pays. Les Etats-Unis vont jusqu’à armer l’Irak pour les aider à attaquer l’Iran. Saddam Hussein a peur de la montée en puissance de Khomeini dans le monde musulman et en menant cette guerre il a plusieurs objectifs : affaiblir le régime iranien, déplacer les frontières Iran/Irak afin de s’emparer du pétrole du Khuzestân (région frontalière de l’Irak situé au sud-est de l’Iran) et reprendre trois îles situées dans le détroit d’Ormuz. Cette guerre dure 8 ans et aura des conséquences catastrophiques sur le pays puisqu’on recense des milliers de morts et le pays en sort très affaibli. A la suite de cette guerre, l’Iran et l’Irak tentent de rétablir de bonnes relations mais ils essayent encore de nos jours de trouver un arrangement au niveau des frontières.

            A la fin de cette guerre, les relations entre l’Iran et le reste du monde sont très mauvaises. L’Iran s’est mis un grand nombre de pays à dos mais cherchera par la suite à reconstruire des relations avec l’occident. Par exemple, la situation entre l’Iran et l’Union-Européenne s’améliore puisque l’Iran devient l’un des fournisseurs principaux de pétrole pour certains pays comme l’Italie, l’Allemagne ou bien la France.

D’autres désaccords persistent cependant avec certains pays. Par exemple, les frontières de la mer caspienne ne sont pas encore définies. L’Azerbaïdjan, le Turkménistan et l’Iran sont donc encore en négociation pour définir au mieux ces nouvelles frontières. Les Emirats arabes eux réclament deux petites îles détenues par l’Iran qui se trouvent dans le golfe persique.

Avec la révolution et la guerre contre l’Irak, la situation de l’Iran a été très mouvementée et le pays a mis du temps à se stabiliser et à améliorer ses relations avec le reste du monde. De plus, l’Iran a aussi dût gérer différents conflits politiques internes.

2.      La situation interne iranienne

Depuis la révolution Iranienne et la fin du règne du Shah, des conflits internes ont persisté et viennent à peine de s’apaiser mais pour combien de temps ?

<Ces conflits internes sont principalement dus aux élections dans le pays. En effet, à la fin de la révolution islamique, l’Iran va être déclaré comme une république islamique basée sur le Coran.Attention le terme république ne signifie en rien la notion de république telle que nous la connaissons. Cette république islamique est, en réalité, basée sur la jurisprudence religieuse. On désigne donc l’Iran comme ayant un régime théocratique. Une théocratie est un régime politique où le pouvoir provient de Dieu. Une nouvelle constitution va donc être créée en se basant sur la religion islamique. Ce système est tout à fait atypique puisqu’on y retrouve le chef de l’état considéré comme étant le guide suprême. C’est le premier personnage du régime iranien et il est au pouvoir pour une durée indéterminée. Ali Khamenei occupe donc ce rôle depuis 1989. Il s’occupe de la gestion des grandes orientations du régime, des questions législatives, et des questions judiciaires. On retrouve ensuite le président de la République qui lui estélu au suffrage universel direct, pour une durée de 4 ans. Il s’occupe des questions exécutives. Son pouvoir est assez limité puisque le chef suprême a un droit de regard sur les actions menées par le président et peut à tout moment contrer une décision du président. On retrouve également un conseil des gardiens de la constitution, le conseil de discernement de l’intérêt supérieur du régime, le parlement et l’assemblée des experts.

Ce système politique reste assez instable puisque les élections présidentielles de 2009 ont été très controversées.A la suite de celles-ci, le président Mahmoud Ahmadinejad va être réélu pour une durée de 4 ans. Mais cette réélection va provoquer de nombreuses contestations. En effet, les Iraniens dénoncent des élections truquées avec « une falsification massive » et des « fraudes massives ». De nombreuses manifestations ont lieu pour contester la réélection de Mahmoud Ahmadinejad. De nombreux morts sont à déplorer lors de ces revendications. Cet évènement fera le tour du monde et marquera fortement les esprits. C’est pourquoi, l’Occident va aller jusqu’à demander à l’Iran d’assurer la validité de ces élections. L’ONU en viendra même à demander l’arrêt des manifestations mais aussi l’arrêt des violences exercées contre les iraniens. Les élections présidentielles de 2009 ont donc bouleversé le pays puisqu’elles ont été largement contestées et qu’il y a eu un retour à la violence. En effet, il n’y avait plus eu de mouvements de contestations d’une telle ampleur depuis la révolution iranienne. Ces élections ont donc montré l’insatisfaction du peuple iranien envers ce régime qu’il juge encore trop autoritaire. Une forte violence persiste dans le pays et les iraniens ont encore une faible liberté d’expression.

Afin d’améliorer l’image de l’Iran à travers le monde, des efforts sont faits pour les élections législatives de 2012. Grâce à ces efforts, l’Iran a su prouver, au monde entier, qu’il pouvait avoir un système politique mature, une certaine stabilité politique et qu’il était capable de surmonter d’importants conflits internes. Une certaine sérénité regagne le pays et les élections se passent sans souci majeur.

On assiste ensuite en 2013 aux élections présidentielles qui mènent à l’élection d’Hassen Rohani. Tout comme les élections de 2012, celles-ci se passent sans gros problèmes et à la suite de ces deux élections, l’Iran retrouve une certaine stabilité au sein du pays même si la légitimité des élections reste largement contestée par certains pays tels que les Etats-Unis ou la France.

L’élection de Rohani, moins conservateur que son prédécesseur, est porteuse de nombreux espoirs quant à l’évolution de l’Iran. Pourtant, la question des droits de l’homme et de la liberté d’expression reste un vrai problème. En effet, Amnesty international retient l’Iran comme étant le pays où il y a le plus d’exécutions sommaires. Ces dernières semaines, une centaine de journalistes iraniens ont adressé une lettre au président Rohani pour demander la libération des journalistes emprisonnés en Iran, dont le nombre ne cesse d’augmenter depuis son arrivé au pouvoir, bien qu’il ait promis un environnement moins hostile pour ces derniers. Le président avait aussi promis plus de liberté et un assouplissement de la police des mœurs, pourtant le parlement travaille actuellement sur une loi visant à encourager les individus cherchant à « organiser le bien » et « interdire le mal ». Ainsi les femmes mal voilées devraient suivre des cours de bonnes mœurs et seraient passibles d’amendes voire de peines de prison… La question reste de savoir si le président ne tient pas ses promesses ou s’il s’agit des décisions du guide suprême dont le pouvoir est supérieur à celui du président…

A travers cette première partie, nous avons pu comprendre les évolutions de l’Iran ces dernières années et nous allons à présent nous demander quelle est la position actuelle de l’Iran sur la scène internationale.

B.   L’Iran sur la scène internationale

1.      Un point stratégique du transport pétrolier : Le détroit d’Ormuz

L’Iran est un acteur clé au Moyen Orient, et son principal avantage stratégique est la domination du détroit d’Ormuz. Il existe un certain nombre de détroits stratégiques pour l’acheminement du pétrole, notamment le canal de Suez, le détroit de Malacca, et le plus important : le détroit d’Ormuz.

Le détroit d’Ormuz

Entouré par l’Iran, et le sultanat d’Oman, le détroit d’Ormuz offre un passage du Golf Persique à la mer d’Arabie. Ses eaux sont peu profondes et de nombreuses îles rendent la navigation assez compliquée, et en son point le plus étroit il n’est large que de 54 km. Pourtant il est le point de passage du pétrole le plus important au monde puisque chaque jour 20 millions de barils de pétrole y circulent.

Le détroit d’Ormuz en quelques chiffres :

  • 20 million de barils /jour (la France consomme moins de 2 million barils/ jour)
  • 1/4 du pétrole mondial
  • 1/8 pétrole brut  à destination des USA
  • 1/4 pétrole brut à destination de l’Europe
  • 1/3 pétrole brut à destination du Japon
  • Il est bordé d’un grand nombre de gisements pétroliers dont le plus grand au monde Ghawar (Arabie saoudite, 5 millions barils/jour, 280km*30km, 6% prod mondial).

Le contrôle de ce détroit représente un pouvoir considérable sur le marché mondial du pétrole, et l’Iran cherche à consolider cet avantage. En effet, l’Iran a construit un très grand port militaire, le port de Bandar Abbas afin de contrôler cette zone. De plus il a également installé des bases militaires pour protéger les iles d’Abu Musa et Tomb, qui forment un couloir que les pétroliers sont obligés d’emprunter. Il possède aussi une importante puissance militaire sous-marine.

Le transit du pétrole mondial : zoom sur le détroit d’Ormuz

Les enjeux posés par le détroit d’Ormuz sont d’autant plus importants qu’il n’y a actuellement pas d’alternative aussi efficace pour assurer le transport du pétrole. Les pétrolines terrestres ne peuvent sortir que 5 millions de barils par jour (soit 1/4 de la capacité du détroit) et bien que la création de nouveaux pipelines puisse être envisagée, cela serait toujours moins important que le transport maritime, d’autant que la situation actuelle au Moyen Orient rend ce type de grand projet plutôt difficile à mettre en place.

L’Iran dispose donc d’un fort pouvoir de pression sur le monde entier via la maitrise de ce détroit. Le prix du pétrole réagissant au coût marginal, le moindre dérèglement à Ormuz pourrait entrainer une explosion des prix, un choc pétrolier, une crise économique… L’Iran a donc bien assuré ses positions et est prêt à profiter de son pouvoir. En effet, le guide suprême Khamenei a déclaré : « Tous les pays doivent le savoir si les intérêts de l’Iran sont menacés, nous ne permettrons pas aux autres d’utiliser le détroit d’Ormuz. »

Le détroit d’Ormuz à déjà était le théâtre de plusieurs accrochages, par exemple en 2008 trois navires de guerre américains ont été menacés par des bateaux détenus par les gardiens de la révolution. Le gouvernement américain a considéré qu’il s’agissait de provocation de la part du gouvernement iranien.

2.      La position de l’Iran dans le conflit Syrien

Si l’Iran se positionne aujourd’hui comme un acteur incontournable au Moyen Orient et sur la scène internationale c’est en grande partie grâce à sa prise de position très ferme sur la question de la guerre en Syrie. En effet,  Téhéran s’engage des le début du conflit à soutenir le gouvernement de Bachar el Assad par tous les moyens possibles et considère que les troubles en Syrie sont le résultat d’un complot occidental (ainsi que de la Turquie et des monarchies du Golf). La position de l’Iran est claire : il faut rétablir la paix et apaiser les tensions en Syrie mais il est hors de question de destituer Bachar el Assad.

L’Iran va donc appuyer le régime el Assad de différentes façons :

Soutien moral :

  • – Conseils sur la sécurité publique tout en encourageant les parties à négocier.

Soutien Politique :

  • – L’Iran s’oppose à toutes les ingérences étrangères en Syrie (à part la sienne) et soutient systématiquement la Syrie devant l’ONU
  • – Lorsque l’ONU vote le texte condamnant le recours à la violence massive en Syrie, seuls quatre pays ne signent pas : la Syrie, l’Iran, la Chine et  la Russie
  • – En Juillet 2012, l’Iran organise sa propre conférence de paix entre la Syrie et l’opposition (cependant, l’occident, le Qatar, l’Arabie saoudite et l’opposition syrienne n’y sont pas représentés).

Soutien militaire :

  • – Envoi d’armes en Syrie,
  • – Action sur le terrain notamment via la milice libanaise du Hezbollah, grand allié de l’Iran

Soutien économique et financier :

  • – L’Iran aide Damas à écouler son pétrole à destination de la Chine via l’Irak
  • – Accord de libre-échange Syrie-Iran
  • – L’Iran aurait déjà prêté 10 milliards de dollars à la Syrie en octobre 2012,
  • – Ouverture d’une ligne de crédit pour la Syrie de 1.3 milliard de dollars en 2013 puis de 4 milliards supplémentaires pour contrer l’embargo international sur la Syrie

L’Iran a donc fait preuve d’une grande constance diplomatique depuis le début de la crise Syrienne soutenant systématiquement son allié. Une exception ; en mai 2013, l’Iran condamne l’utilisation d’armes chimiques en Syrie (l’Iran ayant lui-même été victime de ses armes pendant la guerre avec l’Irak).

Ce soutien constant à d’ailleurs porté ces fruits, le General marines James Attis déclare en Avril 2013 : « absent Iran s help, I don’t believe that Assad would have been in power the last 6 months ».

Avec ce soutien sans faille, on en vient donc à se demander pourquoi l’Iran tient tant à soutenir la Syrie et plus particulièrement le gouvernement de Bachar El Assad ?
L’Iran est très fortement opposé aux occidentaux (en particulier aux Etats Unis) et à Israël. Pour renforcer ses positions face à l’occident, on assiste à la mise en place de ce que le gouvernement Iranien appelle « l’axe de la résistance » (ou de façon plus réductrice « arc chiite ») et qui comprend donc Gaza, le Liban (notamment le sud avec la présence du Hezbollah), l’Irak (depuis la chute de Saddam Hussein en 2003), la Syrie, l’Iran et l’ouest de l’Afghanistan (depuis la chute des talibans en 2001).  L’Iran a donc apporté tous son soutien à la Syrie pour éviter de voir cet « axe de la résistance » brisé et donc de perdre sa position au Moyen-Orient. De plus, ce conflit a ravivé les tensions entre sunnites et chiites dans la région et l’Iran se doit donc d’empêcher une victoire des sunnites.

Carte du Moyen–Orient représentant « l’axe de la résistance »

Ce conflit représente également une opposition indirecte entre Téhéran et l’occident, Israël, l’Arabie Saoudite et le Qatar, et finalement, soutenir l’opposition Syrienne signifie également s’opposer à Téhéran et chercher à affaiblir l’arc chiite. La crise syrienne aura bien permis à l’Iran d’affirmer qui sont ses alliées, notamment la Russie et la Chine car ils prennent les mêmes positions à l’ONU et Téhéran soutient la Russie pour mettre fin à l’utilisation d’armes chimiques en Syrie.

Cependant il est important de noter que l’arrivée au pouvoir du président Rohani en juin 2013, à redéfini la stratégie diplomatique de l’Iran. En effet, même si la position de l’Iran face à la Syrie n’a pas changé, le nouveau président tente d’améliorer ses relations avec « ses ennemis »:

  • -Rencontre avec le président Hollande,
  • -Entretien téléphonique avec Obama (ce qui constitue les premières relations US-Iran depuis 1979),
  • -Se rapproche du Qatar en déclarant que «ce pays peut jouer un rôle vital dans le règlement de la question syrienne » et que « ces deux pays (Iran et Qatar) sont en mesure d’établir la paix régionale ».
  • -A également fait un pas vers la Turquie dans un souci d’apaisement des tensions (il s’agit également de diviser les soutiens à l’opposition Syrienne).

Mais ce qui confère à l’Iran un pouvoir de négociation important, face aux occidentaux dans le règlement de la crise Syrienne est également sa position sur le plan du nucléaire, grande source de tensions depuis quelques années…

3.      Les relations Occident/Iran : le cas de la crise nucléaire

Le programme nucléaire iranien a été lancé dans les années 50 et l’Iran a ratifié le traité de non-prolifération (TNP) en 1970. Depuis 2002, les tensions autour de la question du nucléaire en Iran sont importantes car les Etats-Unis et l’Europe pensent que ce programme a été corrompu à des « fins militaires » après la découverte d’une installation d’enrichissement de l’uranium à Natanz (dont une partie est souterraine) et une installation à l’eau lourde à Arak (enrichir l’uranium n’est pas interdit par le TNP). Le gouvernement iranien lui, maintient qu’il ne s’agit que de recherche visant un but énergétique et accepte d’arrêter momentanément ses recherches en gage « de bonne foi ». Mais l’enrichissement reprend dès l’élection du président Ahmadinejad et la question du nucléaire iranien est portée devant le conseil de sécurité de l’ONU.

Iran_nuclear_program_map-fr.svg

Les principaux sites nucléaires iraniens

Au Moyen-Orient, 4 pays possèdent l’arme atomique : la Russie (accord TNP), l’Israël, l’Inde et le Pakistan (n’ont jamais signé le TNP).

L’Iran continue d’affirmer qu’il ne s’agit pas de recherche militaire mais en 2009, Ali Khamenei déclare : « en se renforçant sur le plan scientifique, économique et technologique, l’Iran surmontera tous les complots de l’étranger et dans un avenir proche, atteindra un point tel qu’aucun ennemi n’osera plus même penser à une offensive militaire, politique ou économique… »

Même si l’arrivée au pouvoir de Rohani détend un peu l’atmosphère, les inquiétudes grandissent  autour de ce problème du nucléaire. Israël, grand ennemi de l’Iran, se dit très inquiet de la possibilité que l’arme atomique tombe aux mains de ce pays « instable ». Cependant les frappes aériennes sont impossibles car la plupart de ces sites sont enterrés et l’explosion d’un site nucléaire aurait des retombés catastrophiques sur le pays et ses voisins. Les seules alternatives sont donc les sanctions imposées à l’Iran par l’ONU afin de parvenir à un accord (notamment la réduction du nombre de centrifugeuses).

En janvier 2012 un embargo partiel se met donc en place sur l’Iran notamment un embargo pétrolier (on passe de 2.6 millions de barils exportés par jour à 800 000) et des sanctions sur la banque centrale iranienne afin d’assécher les moyens de financement du programme nucléaire. L’Iran accepte donc de geler une partie de ses recherches contre la suspension partielle de ses sanctions dont le poids économique est difficile à gérer. De plus les sanctions ont également eu un poids écologique assez important. En effet, l’Iran, ayant très peu de raffineries, est dépendant des importations d’essence (pour 1/3 de sa consommation) et a dû pendant l’embargo « improviser » des raffineries produisant de l’essence de mauvaise qualité ; ceci a entrainé des pics de pollution importants. En 2012, 4 460 personnes seraient mortes à cause de la pollution de l’air.

Plus récemment en juillet 2015, les négociations menées à Vienne entre l’Iran et les P5+1 (soit les cinq pays membres permanents du Conseil de Sécurité et l’Allemagne) accouchent finalement d’un accord. C’est un accord fait suite à l’Accord préliminaire de Genève signé le 24 novembre 2013, qui prévoyait alors de parvenir à une solution globale mutuellement acceptable à long terme qui permette d’assurer que le programme nucléaire iranien reste exclusivement à usage civil et pacifique.

Malgré les difficultés et la longueur des négociations, le Plan d’Action conjoint sera signé le 14 juillet 2015  à Vienne par les P5+1, l’Iran ainsi que l’Union européenne. L’accord prévoit la levée des sanctions imposées au pays aussi bien par les États Unis que l’Union européenne et l’ONU. Cet accord fut salué par la population iranienne, qui reste la première victime des sanctions internationales. Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki Moon espère que cet accord permettra une meilleure coopération internationale sur les problèmes de sécurité au Moyen-Orient, un sentiment partagé par beaucoup de chancelleries occidentales. Cependant, Israël, ayant été menacé de destruction par l’ancien président iranien, c’est prononcé en défaveur de la levée des sanctions, exige plus de garanties que le programme iranien reste pacifique.

Conclusion :

            L’Iran demeure incontestablement une puissance de premier plan au Moyen-Orient de par son pouvoir de pression via la maitrise du détroit d’Ormuz, ses importantes réserves de pétrole et sa volonté de créer un arc chiite fort pour contrebalancer la majorité sunnite au Moyen-Orient. Cependant l’Iran doit faire face à de nombreuses menaces et doit faire face aux conséquences des sanctions imposées par l’Occident. Le soutien financier apporté au gouvernement d’Assad ainsi qu’au Hezbollah combattant à ses côtés et la baisse importante du prix du pétrole pèsent lourdement sur l’économie nationale du pays. L’Iran risque de se retrouver à court de temps et de ressources si des signes de redémarrage économique ne se font pas rapidement. De plus, l’accord sur le  nucléaire n’a été si bien accueilli que de par les promesses de recouvrement économiques qu’il portait. S’agissant d’un domaine de fierté et d’indépendance nationale, les élites dirigeantes  auraient eu du mal  à faire accepter ce qui pourrait passer pour diktat occidental, sans promesse d’amélioration concrète de la vie quotidienne des Iraniens. Il est donc essentiel pour le gouvernement que l’économie de l’Iran renoue avec la croissance et surtout avec les créations d’emplois, afin d’assurer la stabilité interne du pays. 

De plus, bien que l’Iran ait su se rendre indispensable à la résolution de la crise syrienne, l’inexorable progression de Daesh, un mouvement au demeurant anti-chiite, et la proclamation de l’État islamique sur les territoires de Syrie et l’Irak, a bouleversé et complexifié un peu plus la situation au Moyen-Orient et les intérêts de l’Iran en Syrie s’en trouvent d’autant plus menacés. 

On peut donc se demander comment la situation actuelle au Moyen-Orient va influencer la politique de l’Iran et plus particulièrement ses relations avec l’occident avec qui il partage désormais un ennemi commun, Daesh. Cette opportunité de se rapprocher de l’occident marquera-t-elle le retour de l’Iran sur la scène internationale ? On peut également observer la problématique sous un angle différent, à savoir de se demander en quoi l’apparition de la menace de Daesh aurait-elle pu influencer les négociations et permettre l’obtention d’un accord sur le nucléaire entre l’Iran et les grandes puissances. 

Mathilde Calvet & Margot Caracciolo

Edition et mise à jour: Omar Tarabay

Bibliographie : 

  • – Le détroit d’Ormuz, le verrou géopolitique de toutes les peurs, par Alain Nonjon, le 2 mars 2011 : http://www.diploweb.com/Le-detroit-d-Ormuz-le-verrou.html
  • – L’Iran face à la crise syrienne,par Mohammad Reza Djalili et Thierry Kellner, le 7 septembre 2014 : http://www.diploweb.com/L-Iran-face-a-la-crise-syrienne.html
  • – Nucléaire, pourquoi il fallait prolonger les négociations avec l’Iran, par the Washington Post, le 21 juillet 2014 : http://www.courrierinternational.com/article/2014/07/21/pourquoi-il-fallait-prolonger-les-negociations-avec-l-iran
  • – Iran, pourquoi le nucléaire rend l’air irrespirable, par Courrier international, le 17 juillet 2014 : http://www.courrierinternational.com/article/2014/07/17/pourquoi-le-nucleaire-rend-l-air-irrespirable.
  • – L’Iran : http://fr.wikipedia.org/wiki/Iran
  • – Iran, mais si Monsieur Rohani il y a bien des journalistes en prison, Rooz Online, le 9 octobre 2014 : http://www.courrierinternational.com/article/2014/10/09/mais-si-monsieur-rohani-il-y-a-bien-des-journalistes-en-prison.
  • – Histoire de l’Iran : http://www.linternaute.com/histoire/histoire-de-l-iran/iran.shtml
  • – Iran : chronologie historique : par Olivier Pironnet en juin 2007 : http://www.monde-diplomatique.fr/mav/93/PIRONET/15168
  • – Politique en Iran : http://fr.wikipedia.org/wiki/Politique_en_Iran
  • – Un dossier sur Hassan Rohani, le nouveau président du régime iranien est-il une force de changement, le 4 juillet 2013 : http://www.ncr-iran.org/fr/actualites/iran-resistance/12215-un-dossier-sur-hassan-rohani-le-nouveau-president-du-regime-iranien-est-il-une-force-de-changement-.
  • – Puissance :http://www.portail-ie.fr/lexiques/read/41.

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