Quel avenir pour la Russie ?

Quel avenir pour la Russie ?

La Russie est née du traité de la Fédération de mars 1992 après la chute du bloc soviétique. La Russie est un Etat-continent de plus de 17 millions de kilomètres carrés, soit le plus grand pays du monde. Sa population est extrêmement diverse, comptant près de 130 nationalités différentes. Ancienne puissance du 20ème siècle, cet Etat cherche aujourd’hui sa place dans la géopolitique mondiale. Dirigée par un homme de poigne, Vladimir Poutine, la Russie est un pays en quête de modernisation. Elle jongle entre alliances, partenaires commerciaux et adversaires historiques pour retrouver son statut de puissance. Quelle place la Russie doit occuper dans le monde ? Vladimir Poutine a-t-il préparé l’avenir économique de son pays ? A-t-il les moyens de ses ambitions de grande puissance russe ? Poutine a remis la Russie sur le devant de la scène internationale, et s’adonne à amplifier son rayonnement. Cependant, le pays reste fragile et doit continuer son développement face à une concurrence mondiale accrue.

Le retour de la grande Russie

Une terre riche en potentiels

« La première chose qui frappe le regard dans l’Empire russe, c’est l’étendue » constatait l’historien français Anatole Leroy-Beaulieu. Un gigantesque territoire qui regorge de ressources naturelles comme les hydrocarbures ou le bois : la Russie contient par exemple à elle seule 20% de la surface forestière de la planète. Elle exporte donc une part importante de bois, mais aussi du gaz naturel, du pétrole et du charbon, faisant d’elle la première puissance énergétique mondiale. Le gouvernement russe, face cette formidable richesse naturelle, propose un prix de l’énergie très inférieur à la moyenne mondiale, ce qui lui donne un avantage compétitif.

De plus, la Russie ne dépend plus des hydrocarbures de ses anciennes républiques (notamment des ports pétroliers des pays Baltes qu’elle a perdus à la chute de l’URSS) ; et possède sa propre voie maritime depuis la construction de ce qui est aujourd’hui le premier port pétrolier russe, Primorsk (achevé en 2002 et agrandi en 2007). La construction du port s’avère d’ailleurs être un franc succès car il exporte maintenant davantage de pétrole que l’ensemble des Etats Baltes réunis. Le territoire russe est ainsi truffé de potentiels naturels qui semblent prédire un avenir glorieux pour la puissance russe.

Si la Russie promet le retour inévitable d’une puissance, c’est aussi dû à la politique qui y est menée, ou plus précisément à l’ « homme de poigne » : le président Vladimir Poutine.

Un Etat fort

L’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en mars 2000 marque le retour de la croissance économique, et d’un Etat fort en Russie, nécessaire notamment pour contrôler la très forte diversité ethnique. Le président engage une politique de recentralisation, et d’interventionnisme économique. Déterminé à « reprendre en main » le pays, le chef d’Etat russe vise à restaurer l’image d’une Russie puissante aux yeux du monde, et à maintenir une certaine stabilité économique à l’intérieur du pays. Celui-ci affiche aujourd’hui l’un des plus importants PIB au monde ainsi qu’un faible taux de chômage (5,3% en avril 2014 d’après le site des statistiques mondiales). Le graphe ci-dessous révèle un PIB par habitant croissant depuis 2000 et s’élevant à 15 177 $ en 2012 d’après la Banque Mondiale.

Mais le plus révélateur de la force du pays est son pouvoir militaire. Deuxième puissance militaire (après les Etats-Unis), la Russie est détentrice du plus grand arsenal nucléaire de la planète (dont l’arme nucléaire) et d’une des plus grandes et fortes armées du monde. En outre, le gouvernement russe consacre un budget très important et croissant au domaine de la défense.

Enfin, la capitale, Moscou, peut être considérée comme la nouvelle métropole mondiale et contribue ainsi à la force et à l’influence de la Russie. Cinquième ville du monde, première agglomération européenne avec 12 millions d’habitants, Moscou est à la fois la capitale politique, économique, religieuse et spirituelle, et le centre de communication de la Russie. Tous les principaux organes du pouvoir se situent dans la ville : le Kremlin, siège de la présidence, mais aussi la Maison blanche (siège du gouvernement), Douma (chambre basse du parlement), et la plupart des ministères. Côté économique, Moscou concentre à elle seule les trois quarts des entreprises russes, 60% des IDE réalisés dans le pays, ou encore plus de 80% du capital bancaire russe. Moscou est également le centre religieux de la Russie, avec ses multitudes d’églises et le lieu de résidence du patriarche russe. Quant aux réseaux de communication, la capitale ne manque pas de voies ferroviaires et autoroutières, ports fluviaux et aéroports internationaux !

La seconde métropole de la Russie, Saint-Pétersbourg, mérite également attention car participe au retour de la grandeur russe. Elle constitue en effet une ouverture sur l’Europe, et permet ainsi une véritable communication avec le continent. C’est aussi la capitale scientifique et culturelle de la Russie, et de ce fait attire beaucoup les touristes.

La reconstruction de la puissance russe est ainsi sur la bonne voie ; et le retour de l’immense pays sur la scène internationale en est très révélateur.

Une ouverture croissante à l’international

La Russie est devenue un acteur majeur de la gouvernance internationale depuis quelques années. Elle siège en effet au Conseil de sécurité de l’ONU depuis 1991, est membre du G20 et de l’OTSC (Organisation du Traité de Sécurité Collective), créé en 2002. Sorte d’ « OTAN russe », ce traité rassemble les pays européens et asiatiques qui s’engagent à coopérer pour la paix. Le pacte symbolise la volonté de la Russie de revenir sur la scène internationale et d’avoir une certaine crédibilité dans la lutte pour la paix. Elle prouve aussi qu’elle s’intéresse de près au développement durable en ratifiant le protocole de Kyoto en 2004. Enfin, son adhésion récente en août 2012 à l’OMC est un symbole de son ouverture sur le monde.

La transition vers l’économie de marché a donc été réussie, même si elle a été difficile après la longue période communiste. La Russie participe maintenant bel et bien aux échanges du monde, et encore plus depuis les années 2000. Ses littoraux sont ouverts, ses firmes multinationales investissent de plus en plus à l’étranger, des alliances se forment dans l’industrie automobile entre les grands constructeurs et les industries russes, et le luxe connait un essor considérable dans le pays. En effet, les plus grandes villes du pays fourmillent de boutiques comme Chanel, Cartier ou Vuitton, et Moscou concentre la plupart des milliardaires et millionnaires russes, faisant de cette ville l’une des capitales mondiales du luxe. Elle attire ainsi les investisseurs étrangers, et les populations les plus fortunées, comme l’acteur français Gérard Depardieu qui s’y est installé récemment. La Russie occupait en 2011 le premier rang à l’échelle mondiale du plus grand nombre de milliardaires (dont beaucoup d’étrangers) devant les Etats-Unis et la Chine ! L’industrie du luxe est ainsi un facteur majeur de l’intégration de la Russie au système-monde. On observe également un nombre impressionnant de touristes russes dans le monde par rapport aux années 1990.

Les Jeux Olympiques de Sotchi l’hiver dernier sont aussi très symboliques. Non seulement la Russie n’avait jamais organisé cet événement depuis la chute de l’URSS, mais ce furent aussi les Jeux Olympiques les plus chers de l’Histoire. La Russie a prouvé au reste du monde qu’elle a réussi économiquement et qu’elle est capable d’être la puissance de demain. « La flamme olympique (…) va faire découvrir la Russie au monde entier, faire découvrir les richesses de la Russie, et ce pourquoi nous l’aimons » a déclaré fièrement Vladimir Poutine lors de l’arrivée de la flamme à Moscou en octobre dernier.

L’ouverture de la Russie sur le monde est également due à une utilisation plus importante d’internet et des différents réseaux sociaux.

La Russie a considérablement accru son commerce extérieur. C’est elle qui gère les besoins énergétiques des Etats-Unis, de l’Europe, de la Chine ou encore de l’Inde. Elle intéresse aussi beaucoup les grandes entreprises mondiales, comme Danone qui a formé une société commune avec le groupe agro-alimentaire russe Unimilk en 2010. Cette association est, selon le PDG de Danone, Franck Riboud, « un mouvement stratégique dans une région porteuse de croissance pour les années à venir ». Danone réalise maintenant une part importante de son chiffre d’affaire en Russie, comme nous pouvons le constater sur le tableau suivant.

La Russie commerce avec l’Union Européenne, mais aussi avec l’Asie. En 2001 par exemple, la Russie et la Chine fondent l’organisation de coopération de Shanghai (OCS) qui regroupe à elle seule 20% des ressources pétrolières et 40% du gaz naturel de la planète. L’objectif est de « favoriser une coopération effective dans les domaines politique, économique (…) scientifique, culturel (…) écologique». À son investiture en 2012, le président Poutine avait annoncé qu’une des principales priorités de son mandat serait le projet d’une union eurasiatique. Il veut faire de l’ « Eurasie » un acteur majeur dans l’équilibre mondial. Depuis quelques années la Chine est d’ailleurs devenue le premier partenaire commercial de la Russie, devant l’Allemagne.

Ainsi, le retour de la puissance russe s’observe à travers un Etat fort de ses richesses naturelles et de sa volonté de s’affirmer au niveau international. Il est donc indéniable que la Russie appartient au groupe des pays émergents, ou, devrait-on dire, émergés des BRIC, et que son avenir promet d’être intéressant.

Un avenir prometteur

La Russie a de belles opportunités à la fois dans son commerce extérieur et par son économie qui tend à se moderniser.

Des nouvelles priorités dans la politique extérieure russe

Le contexte géopolitique actuel et les relations difficiles avec l’Union Européenne poussent la Russie à se tourner vers l’Asie. La Chine s’impose comme l’allié le plus prometteur de par sa puissance et son influence. Ces deux nations partagent une même vision négative de l’Occident, et des valeurs communément admises telles que le capitalisme autoritaire et un Etat fort. Poutine a déclaré vouloir « saisir le vent chinois dans les voiles russes. » Cette relation montre la volonté russe de diversifier ses partenariats économiques. La Chine joue ainsi un rôle croissant dans le commerce extérieur russe. En 2009, un accord de « prêt contre pétrole » a été mis en place. Il s’agit d’un prêt de 25 milliards de dollars par la Chine, et la Russie s’engage en échange à approvisionner son voisin en hydrocarbures pendant 20 ans. Des accords de coopération sino-russe ont également été signés entre les régions d’Extrême Orient et le Nord-est chinois. Ces accords prévoient plus de 200 projets communs dans les zones frontalières. Les deux nations pourront échanger matières premières contre technologie. De plus, en mai 2014, Vladimir Poutine et Xi Jinping ont signé un contrat d’approvisionnement de gaz. L’accord porte sur un montant de 400 milliards de dollars sur une durée de 30 ans. A partir de 2018, Gazprom fournira du gaz à la Chine à hauteur de 38 milliards de mètres cubes par an. Cet accord permet à la Russie de pallier les sanctions européennes qui ont suivi la crise ukrainienne. Les relations géostratégiques sino-russes démontrent la volonté de ces deux nations de s’opposer à l’hégémonie nord-américaine et de mettre en place un ordre mondial « plus juste. » Moscou et Pékin se sont notamment opposés ensemble au Conseil de l’ONU aux volontés occidentales sur la question syrienne.

Afin de mieux s’implanter en Asie, la Russie fait partie de l’Organisation de coopération de Shanghai, mais elle est également candidate pour participer aux Jeux Asiatiques. Il s’agit de la deuxième compétition omnisport mondiale avec plus de 45 délégations présentes. A la compétition sportive s’ajoute le jeu du pouvoir entre les puissances asiatiques et celles du Moyen Orient. Ces jeux font évoluer la politique asiatique et permettraient à la Russie de mieux s’intégrer au commerce asiatique.

Moscou pourrait devenir le pourvoyeur d’énergie du continent asiatique et rendre plus rentable l’exploitation des ressources naturelles en Sibérie. Les relations commerciales avec l’Asie peuvent permettre le financement d’investissements qui moderniseraient l’économie russe.

Si la Russie semble lui tourner le dos, son principal partenaire commercial demeure encore aujourd’hui le continent européen. Moscou reste très influent dans les républiques ex-soviétiques grâce à des alliances politiques, monétaires et économiques. Le 1er Janvier 2012, un Espace Economique Commun entre la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan a été créé. Il s’agit d’une zone de libre-échange et d’union douanière qui doit déboucher en 2015 sur une Union Eurasiatique.

La Biélorussie est le carrefour stratégique qui permet à la Russie d’exporter son hydrocarbure vers l’Union Européenne qui transite par le gazoduc de Lamal 1 et l’oléoduc Orouiba. L’Ukraine a gardé des liens culturels et économiques forts avec la Russie, qui a un fort pouvoir de négociation avec ces pays auxquels elle peut à tout moment couper les exportations d’hydrocarbures. Elle influence ainsi et domine les pays de son « étranger proche ».

La Russie est un partenaire commercial principal de l’Union Européenne après les Etats-Unis et la Chine. L’Union Européenne voit en la Russie un marché porteur en expansion qui constitue également son principal fournisseur d’hydrocarbures. Il y a une interdépendance car l’Union Européenne concentre 88% des exportations de pétrole russe, 70% de son gaz et 50% de son charbon. La Russie se permet d’instrumentaliser cette dépendance de l’Union Européenne pour moduler les relations et les négociations entre la Fédération russe et l’Union Européenne. Par exemple, Moscou a menacé d’augmenter les prix des hydrocarbures pour l’Europe, voire de couper les exportations en Ukraine durant les négociations sur la crise ukrainienne. Mais l’Union Européenne peut contribuer à moderniser l’économie russe notamment grâce à un transfert du savoir-faire européen. L’Union Européenne est donc un marché à développer.

Une économie en quête de modernisation

Un des objectifs de Vladimir Poutine à son arrivée au pouvoir en 2012 était la modernisation de l’économie. Par exemple le secteur tertiaire représente une part plus importante dans les emplois aujourd’hui en Russie. L’adhésion de la Russie à l’OMC en 2012 est un symbole de cette modernisation, car elle permet de faciliter le commerce et les investissements pour ce pays. La Fédération russe s’applique également à développer l’industrie de pointe, notamment l’aéronautique et l’industrie numérique.

Le président Poutine veut accroitre la puissance diplomatique de son Etat grâce à ses ressources naturelles en développant de nouveaux gisements, ou encore dynamiser certaines régions. Par exemple, depuis quelques années la Russie s’intéresse de très près à l’Ile de Sakhaline située en Extrême orient russe, le « nouveau front pionnier pétrolier et gazier ». Bien que possédant l’île de Sakhaline depuis 1875, ce n’est que très récemment que la Russie a découvert les nombreuses ressources en hydrocarbures de l’île, qui attirent les investisseurs du monde entier. Différents projets ont ainsi vu le jour (Sakhaline 1, 2,…) dans lesquels des investisseurs étrangers exploitent une partie de l’île (par exemple les Américains pour Sakhaline 1). Le succès a été tel qu’à la fin des années 1990 et au début des années 2000, l’île de Sakhaline recevait plus d’investissements étrangers que toute l’agglomération de Moscou ! Mais Poutine, bien décidé à remettre la main sur cette terre de richesse, exige une renégociation des contrats d’origine afin de bénéficier directement des avantages financiers de l’île.

Les IDE sont cruciaux pour la modernisation du pays : beaucoup arrivant de l’étranger sont destinés à l’île de Sakhaline, mais aussi à Moscou, Saint-Pétersbourg, et certaines régions de Sibérie. L’essor des IDE est considérable à partir des années 2000 pour la Russie, autant pour les entrants que les sortants.

De même, le projet de Skolkovo, ou aussi appelé la future « Silicon Valley russe », est révélateur de la nouvelle modernité russe : Le projet est né sous la présidence de Dimitri Medvedev dans le but de créer de nouveaux pôles d’innovation et de diversifier une économie russe trop centrée sur la rente énergétique. Skolkovo est en fait un centre international d’innovation scientifique et technologique dans la région de Moscou. De nombreuses entreprises mondiales sont intéressées par le projet comme Microsoft, IBM ou encore Boeing. Cette « ville de l’innovation » prend aussi en compte le développement durable en privilégiant les énergies renouvelables et les modes de transports « doux » comme les voitures électriques, les vélos, les zones piétonnes, etc. Cet intérêt pour la préservation de l’environnement vise à redonner une certaine crédibilité à la nouvelle puissance russe, qui a d’ailleurs le projet de créer une ville durable (Akademgorodok) sur son territoire.

La Russie a un autre atout majeur exploitable qui la replacerait au centre géostratégique du monde. La fonte des glaces de l’Arctique ouvre une nouvelle voie maritime exploitable par la Russie. La disparition de la banquise constitue une révolution géopolitique grâce à l’ouverture de cette voie maritime directe entre l’Europe et le Japon. La Russie maitriserait trois océans. Moscou pourrait ainsi faire payer le transit aux navires étrangers désirant emprunter ce passage beaucoup plus rapide entre l’Europe et l’Asie. Ayant compris cet avantage depuis plusieurs années, la Russie a investi dans l’industrie et la production de bateaux brise-glaces permettant de libérer le passage dans les eaux glacées. La Russie étant la seule à posséder de tels navires aujourd’hui, elle peut louer ces navires aux compagnies maritimes étrangères en plus du tarif du transit. L’Arctique fournit déjà à la Russie plus de 20% de ses exportations en hydrocarbure. Moscou revendique un territoire allant de la mer de Barents au détroit de Béring, zone dans laquelle des explorateurs russes ont planté un drapeau en 2007. Des études russes ont estimé que ce territoire abriterait plus de 586 milliards de barils de pétrole contre 280 milliards restant en Arabie Saoudite. En 2030, la production d’hydrocarbure atteindra les 10 millions de barils par jour.

La fonte des glaces permettra le développement de la Sibérie et la création de nouvelles mégalopoles dynamiques dans cette région encore « vide. » Mais l’exploitation de l’Arctique suppose que les pays riverains délimitent leur Zones Economiques Exclusives de 200 miles marins. Ils doivent aussi délimiter leur plateau continental dont la forme pourrait permettre une exploitation de l’Arctique au-delà des 200 miles marins. Les négociations n’ont pas encore fini de s’étendre.

Limites à la domination russe

Si la Russie s’avère être un pays d’avenir, elle doit cependant faire face à certains facteurs externes et internes qui pourraient constituer des entraves à son affirmation de puissance.

Des concurrents menaçants

Les relations avec l’Union Européenne sont compliquées et subissent de nombreuses tensions, notamment cette année avec la crise Ukrainienne. Aux yeux de Moscou, l’Union Européenne est trop en collaboration avec les Etats-Unis. L’embargo imposé par Washington sur la Russie en est l’exemple le plus récent. L’Union Européenne a également signé des accords de voisinage avec les pays de l’est européen mais en a exclu la Russie. L’OTAN s’élargit et englobe des pays qui encerclent désormais la Russie. De plus, des crises fratricides ont eu lieu avec la Biélorussie et l’Ukraine. La Russie peut se permettre de moduler ses relations avec ces pays en jouant sur les prix du gaz ou en décidant d’en couper les exportations, menaces exprimées à plusieurs reprises cette année comme en juin dernier avec l’Ukraine, et mises en pratique en août dernier. L’Europe, qui reste le premier partenaire commercial de Moscou, se méfie de la Russie et de ses menaces avec les exportations d’hydrocarbures. L’Europe développe des relations économiques, politiques et commerciales avec les autres puissances du monde ; les Etats-Unis et l’Asie avec lesquelles elle encercle la Russie.

La Russie tourne le dos à l’Europe et s’allie à la Chine sur les grandes questions internationales. Elle développe des relations commerciales et politiques avec la Chine plus intenses depuis 2014. Cependant, Moscou s’inquiète de l’essor rapide de la puissance chinoise. Pékin s’affirme sur la scène internationale par la conquête de nouveaux marchés et s’impose comme l’adversaire stratégique des Etats-Unis, avec qui elle signe également des accords commerciaux. La Chine peut imposer sa domination sur la Russie. Les relations sont asymétriques. Par exemple, Pékin commence à négocier la frontière du bassin de l’Amour. Cette zone russe et dépeuplée pourrait être au centre de discussions entre la Russie et la Chine, négociations durant lesquelles Pékin aurait le pouvoir d’imposer ses revendications.

Des fragilités au sein du pays

La Russie a du mal à gérer son immense territoire. 75% de la population vit à l’ouest sur à peine 25% du territoire. En 2013, le taux de pauvreté dans les régions de l’est et du sud atteignait les 11%. Ces régions concentrent un grand nombre de cités-usines aux équipements vétustes qui sont en grande difficulté. Moscou a essayé de financer leur sauvegarde mais elles sont trop éloignées des infrastructures d’exportation pour être rentables. Cela démontre que l’économie russe a du mal à se moderniser. Elle est peu diversifiée et très localisée sur une petite partie du territoire. De plus, l’économie repose presque uniquement sur les exportations d’hydrocarbures. La balance commerciale reste excédentaire mais les échanges extérieurs sont plus semblables à ceux d’un pays en voie de développement qu’à ceux d’une grande puissance. Plus de 65% des exportations sont directement liées aux hydrocarbures et la Russie importe des produits manufacturés. Elle a des besoins d’importation dans de nombreux secteurs, de l’agroalimentaire au secteur automobile, et est même devenue importatrice de produits agricoles en 2007. Depuis 2012, la croissance ralentit et pourrait être négative en 2014. Le nouveau défi de la Russie est donc de trouver les moyens financiers d’avoir une économie plus prospère et diversifiée. Mais Moscou doit faire face à une importante baisse démographique et au vieillissement de la population. Pour compenser la baisse du taux de fécondité (1,6 enfants par femme en 2014), Vladimir Poutine essaye d’attirer les russes installés dans les anciennes républiques soviétiques. La Russie attire aujourd’hui 300 000 migrants par an et devra maintenir ce niveau si elle ne veut pas voir sa population passer en dessous des 140 millions d’habitants. La Russie doit devenir attractive pour les migrants et investir dans de nouvelles infrastructures et dans l’éducation pour moderniser davantage l’économie et redynamiser les régions sinistrées.

Moscou doit également attirer les capitaux étrangers. Une grande partie de ces capitaux proviennent de firmes russes installées dans des paradis fiscaux et qui réinvestissent des capitaux en Russie. Ceci n’est pas profitable aux finances publiques russes qui manquent cruellement de capitaux à réinvestir dans la modernisation de l’économie. Les investisseurs étrangers restent également méfiants à l’égard de la Russie qui demeure l’un des pays les plus corrompus du monde. Vladimir Poutine doit redorer l’image de la nation pour attirer les investissements étrangers qui lui permettront de relancer son économie et sa croissance.

Bien que la Fédération de Russie connaisse quelques faiblesses internes et externes, il est indéniable qu’elle est entrain de retrouver une certaine puissance. Le pays se cherche une nouvelle place dans la géopolitique, désireux à la fois d’affirmer sa puissance selon la tradition soviétique, et de s’ouvrir à la mondialisation. Entre modernisation intérieure et émergence extérieure, le président autoritaire russe est donc bien décidé à faire de son pays un acteur de taille dans le système monde. La majorité des russes soutiennent leur chef d’Etat malgré son régime autocratique, suivant la croyance russe selon laquelle un pouvoir fort est garant de stabilité et de protection contre toute menace. Dans les sondages, Staline reste d’ailleurs très populaire en Russie car il a permis au pays de devenir une puissance mondiale de premier plan en 1945 ! Cependant, face à une puissance concurrente comme la Chine, la place qu’occupera la Russie dans le monde dépendra des décisions de son gouvernement par rapport à l’Asie. Décisions qui auront aussi un impact déterminant pour l’Europe, dont la Russie tend à s’éloigner alors qu’elle nous est très précieuse. Si Moscou a coupé le transit de gaz vers l’Ukraine en août dernier par exemple, serait-elle capable de faire de même pour toute l’Europe ? La question qui se pose alors si l’Europe pourrait se maintenir sans la Russie.

Alix de Bazelaire

Bibliographie :

  • Russie et Caucase, Jeux d’influence et nouveaux défis, Romain Thomas et Jean Radvanyi
  • Géopolitique : la longue histoire d’aujourd’hui, Yves Lacoste
  • Cas Danone, cours de développement international de l’entreprise
  • « Russie : 15 cartes pour comprendre », Alternatives internationales n°64 – septembre 2014

Sitographie :

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