Journal d’un soldat, entre fraternité et communautarisme

Bonjour, je suis le Caporal Philippe* et suis engagé au sein de l’armée de Terre depuis 4 années. Déjà enfant, être militaire était mon rêve, porter le treillis et les armes… Enfin, tout ce qu’on pouvait voir dans les films. C’est en grandissant que la dimension patriotique et politique est apparue.

Les années ont défilé et m’engager dans l’armée est resté mon objectif: je voulais agir, à mon niveau, pour protéger les personnes qui me sont chères, pour protéger la France et être la fierté des gens que j’aime.

Je suis très content de pouvoir partager mon expérience avec Geolinks et ses lecteurs.

Geolinks.fr : Merci beaucoup de bien vouloir nous accorder ton temps. La première étape pour un jeune soldat est « les classes ». On entend souvent des histoires sur les classes, est-ce que tu peux nous raconter tes classes?

Caporal Philippe : Chaque engagé commence ses classes dès le premier jour de son incorporation au régiment. Les classes sont simplement la formation de base des militaires qui dure six mois consécutifs: les trois premiers sont destinés à l’enseignement général du soldat ; les trois suivants permettent l’apprentissage de la spécialité du soldat (parachutistes, déminage…).

Cette période de six mois est très intense physiquement et mentalement. J’ai fait face à une véritable « sélection naturelle » orchestrée par les formateurs qui nous mettent à l’épreuve chaque jour. Jour après jour, j’ai vu mes camarades se désengager et retourner vers la vie civile.

Les épreuves physiques et mentales sont, par exemple, l’absence de repos et de nourriture suffisante. A cela s’ajoute des activités physiques quotidiennes, des marches de plusieurs dizaines de kilomètres avec l’équipement militaires (environ 25 kg), des footings, le tout dans des conditions climatiques parfois difficiles. Je me souviens avoir dormi à même la neige durant une nuit à -20 degrés, avec des vêtements de plusieurs jours, sans se laver. On est loin du confort chez Papa Maman !

Geolinks.fr : Qu’est ce qui t’a fait tenir pendant ces moments difficiles?

Caporal Philippe : Je ne faisais partie des engagés les plus forts physiquement mais malgré tout cela, je n’ai pas abandonné. Le mental est le plus important dans ces moments, je savais pourquoi j’étais venu à l’armée et j’étais fier d’atteindre enfin mon but.

Geolinks.fr : Suite à cette période difficile et intense, tu as été incorporé dans ton régiment. Quelle est la journée type d’un militaire en caserne?

Caporal Philippe: C’est avec une grande fierté que j’ai été incorporé dans une unité de combat. Alors concrètement, je me réveille tous les matins à 6h dans un dortoir avec trois autres collègues (je fais partie des mieux lotis, il existe des dortoirs de plus de 8 personnes). On doit faire les corvées de la journée jusqu’à 8h du matin, c’est-à-dire faire le ménage des chambres et des parties communes, douches et toilettes. A partir de 8h du matin, nous partons avec le régiment faire des activités physiques, essentiellement du footing et de la musculation jusqu’à 10h. Le reste de la matinée est consacré aux tâches administratives en tout genre. Il y a le repas du midi et l’après-midi est consacré aux cours théoriques, à l’entraînement au combat et à la manipulation d’armes. La journée se termine aux alentours de 17h30.

Je ne sais pas si ça rentre dans l’esprit de cette interview mais l’armée est caractérisée par un état d’esprit « violent ». Contrairement à la vie civile, les militaires en viennent très souvent aux mains pour régler le plus petit des conflits…

Geolinks.fr : Maintenant que tu nous as parlé des journées « normales », est-ce que tu peux nous parler de ton expérience en Sentinelle et en OPEX?

Caporal Philippe: Avant tout, je tiens à rappeler que les militaires sont très souvent en opérations extérieures (OPEX) et intérieures, c’est environ 7 à 9 mois par an. Ma dernière OPEX était au Tchad et je me suis rendu compte du danger du communautarisme au sein de l’armée. Je trouve ça vraiment incroyable de ne jamais en entendre parler dans les médias ou dans les réseaux sociaux. J’ai envie de partager avec vous un cas concret de ce communautarisme.

Lors de cette OPEX, j’ai vu des collègues musulmans refuser le combat et même refuser d’obéir aux ordres de la hiérarchie car « [ils] ne veulent pas agir contre leurs frères ».

Ce communautarisme se retrouve dans les casernes en France entre athées et croyants, entre chrétiens et musulmans et entre blancs, arabes et noirs. Sans paraître alarmiste, cette montée du communautarisme nuit au bon fonctionnement de l’institution militaire.

L’opération Sentinelle, à mon sens, est une opération de communication politique dont le but est de rassurer la population. J’ai été engagé 5 fois dans cette opération, à garder des synagogues, des gares et des aéroports partout en France. Je comprends que voir des militaires en uniforme dans la rue devant des bâtiments publics peut être rassurant mais la réalité est bien différente. Notre matériel vieillissant, nos « formations » accélérées et les contraintes à l’utilisation de nos armes sont des freins à la bonne réussite de notre mission. De plus, l’état d’urgence suite aux évènements tragiques du 13 novembre a précipité l’opération et les engagements au détriment des conditions de vie des militaires.

Les conditions de logement en Sentinelle sont déplorables, nous étions logés à la hâte dans des locaux insalubres sur des lits de camp avec une douche et un toilette pour une équipe de 40 soldats. Dans les cas extrêmes, l’endroit ne possédait même pas de douche et les soldats ont dû payer (avec leur argent propre) un abonnement dans une salle de sport pour accéder à une douche.

Geolinks.fr : Est-ce que tu voudrais dire une dernière chose à nos lecteurs?

Caporal Philippe : J’aimerais que chaque personne comprenne le sacrifice de nos forces armées. C’est vrai, être militaire a été un choix pour moi et je suis fier de porter les couleurs nationales. J’ai une certaine idée de la France et je suis prêt à tout pour la protéger.

Mais je reste très étonné de voir, dans la presse et sur les réseaux sociaux, une véritable défiance envers les militaires. Je voudrais juste dire que les militaires et les autres représentants de l’ordre se sont engagés, au prix de leur vie parfois, pour la sécurité et la liberté de notre nation et devraient être respectés à ce titre.

Chaque pays a besoin d’une armée forte pour protéger ses valeurs, ses traditions, sa culture contre de potentiels menaces. Soyons respectueux de l’engagement de nos forces armées et n’oublions jamais que la France d’aujourd’hui existe que grâce au sang de nos anciens qui se sont battus pour elle.

*Pour le respect de l’anonymat, le nom du Caporal a été changé.

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